“Il est absurde d’opposer le polémique au théorique pour une raison bien simple : aucune idée nouvelle n’apparaît dans un vide. Là où elle veut s’installer, il y a toujours déjà une autre idée, sur la même question, une idée acceptée, qu’il faut donc préalablement démolir.”
Un féminisme matérialiste est possible, Christine Delphy
Lors de son entretien samedi dernier pour son livre Flare Out: Aesthetic 1966-2016 en collaboration avec Mark Webber, Peter Gidal prit l’aisance par un moment de pause, entre plusieurs blocs de défilement verbaux que l’on suit tel des visiteurs d’un esprit en recollage, en cutting, en re-editing constant, de citer cette élément profond qu’évoque la sociologue: rassembler polémique et théorique. Ce passage semblait justement illustrer de la manière la plus palpable, ce qui amenait le cinéaste à tout autant écrire que réaliser un film. Ce livre n’est pas exclusivement objet esthétique et coloré, qui peut presque se rentrer dans la poche. Il y a une tentative, collé à des réflexions acharnées sur des œuvres de Warhol ou Beckett entre autres, d’affirmer ce qu’est le film matérialiste, en produisant une certaine destruction de la représentation masculine mis en avant dans le cinéma main stream.
Ce que dit Delphy permet de questionner sur le rôle même de la critique, attaché dans une opinion générale à une destruction pure et simple, seulement pour produire une espèce de nouvelle théorie désormais personnifié par un auteur, espèce de darwinisme intellectuel. La critique avec la sociologue devient autre: on écrit pour détruire quelque chose qui est acceptée, et qui nous colle, perturbe, casse et broit le corps, les articulations et les muscles. Démolir une représentation de son propre corps qui aliène et assassine.
La tentative théorique et filmique de Gidal irait peut-être dans ce sens, en dégageant le dispositif cinématographique de la pourriture que produit une narration forcée, émanant d’un cinéma pré-fabriqué et figé dans ses représentations.
Maxime Jean-Baptiste (Young Jury)
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